"Le SkiErg, partenaire d’entraînement de médaillés aux derniers championnats d’Europe et du monde de natation" par David SEBILLAUD (préparateur physique, méthode d’entraînement PROPASE)

June 15, 2012

Préparation des nageurs français aux Jeux Olympiques 2012

Préparateur physique, prof d'EPS, mon action actuelle s’inscrit dans 3 clubs de natation:

  • les nageurs de l'équipe de France du pôle France jeunes d'Amiens :
    • Mélanie Henique (3ème aux championnats du monde du 50m papillon en 2011)
    • Ophélie Cyrielle Etienne (3ème aux championnats d'Europe du 200 NL et 400 NL en 2012, qualifiée au Jeux olympiques au titre du relais 4x200 NL)
    • Jérémy Stravius (Champion d'Europe 2012 au titre du relais 4x100nl, Champion du monde du 100 dos en 2011, qualifié au Jeux olympiques au titre du relais 4x200 NL )
    • Benjamin Stasiulis (qualifié au Jeux olympiques au 100 et 200m dos)
    • Pierre Legout (multi-médaillé aux championnats de France minimes 2011, membre du collectif relève internationale)
  • l'ensemble des nageurs de la  section élite du club de Compiègne
  • Justine Bruno du club de Beauvais (Championne de France du 100m papillon et qualifiée aux Jeux olympiques au titre du relais 4x100 4 nages en papillon)
  • La première utilisation du ski erg que j’ ai proposé à une athlète a eu lieu à l’ Insep.
    J'avais en charge la préparation physique d’Amélie Caze (pentathlon moderne), athlète de niveau international (championne du monde en 2007, 2008, 2010), j’avais trouvé dans un premier temps dans le ski erg une forme d'alternative à l'ergomètre dans la séquence d'échauffement.
    Progressivement, j'ai modifié la position de  base du travail préconisé au ski erg pour lui demander de venir fixer le coude haut très rapidement. Cette fixation du coude très haut dans l'appui est recherché en natation, il permet de placer rapidement des surfaces d’appuis plus importantes générant plus de propulsion.
    En pentathlon moderne, la natation est l'une des cinq épreuves prévues au programme, je voyais progressivement dans le ski erg une finalité autre que l’échauffement mais un exercice semi spécifique pouvant favoriser le transfert de qualités musculaires travaillées dans des exercices plus athlétiques.

    Quelques mois plus tard, j'achetais personnellement un ski erg que j'installais dans la salle de musculation du club de natation de Compiègne ou j’intervenais comme préparateur physique depuis 3 ans.

      L’ intérêt de cet achat était double, il me permettait:
    • de pouvoir proposer à Amélie Caze une machine identique à celle de l'insep lors des entraînements effectués à Compiègne.
    • D'expérimenter au quotidien avec des athlètes de catégories d'âges et de niveaux différents, son utilité,  ses atouts et ses limites dans la préparation physique et celle du nageur en particulier.

    Rapidement j'ai remplacé la saisie "d'origine" (type biathlon) pour une prise qui invite à orienter le plus tôt possible la paume de la main vers le bas, toutefois je n'utilise pas une plaquette de natation classique.

      Pour moi, en tant que préparateur physique,  les atouts du ski erg sont:
    • sa mobilité (grâce à la plate-forme) la machine se déplace très simplement et rapidement. Ainsi, il peut avoir un lieu de stockage différent du lieu d'utilisation.
    • son accessibilité, sa facilité de prise en main rend une utilisation insérée dans un circuit training possible. En effet, il est possible de se mettre rapidement  en action, si l'entraînement n'est pas programmé, un seul bouton suffit pour remettre le compteur à zéro.
    • Le contrôle de l'intensité de l'entraînement par 2 paramètres:
      • le réglage de la résistance par une molette en spirale, je module la résistance en fonction des catégories d'âge et du moment dans la saison (réathlétisation), par contre tous les tests que j'ai créé s'effectuent sur la résistance maximale.
      • le respect d'une cadence imposée (selon la série) , celle-ci est exprimée en coups par minute et elle s’affiche dans le coin supérieur droit du moniteur, donc très lisible pour l'athlète. Plus je définis une cadence basse, plus j'augmente la résistance, car plus le délai est long entre 2 tirages, plus l'athlète doit recréer de la vitesse au volant d'inertie.
    • Une visibilité immédiate pour l'athlète et le préparateur vis à vis de:
      • la force produite (exprimée en watt) à chaque mouvement et moyenne durant l'effort. La visibilité instantanée de la production de force permet de motiver l'athlète et renseigne le préparateur physique sur le degré d'engagement de celui-ci.
      • la courbe de force (que l'on peut corréler aux groupes musculaires sollicités), cela me renseigne sur les points faibles du trajet moteur (par exemple, une prise d'appui tardive ou la force des triceps en fin de poussée).
      • La fréquence cardiaque, cela me renseigne sur l'état de forme et le degré d'engagement de l'athlète tout en vérifiant que l'effort programmé se situe bien dans la zone de FC cible.
      • la cadence , les nageurs de 400m ou de 100m n'ont pas la même cadence, je peux donc individualiser et corréler  leurs temps d'efforts à leurs cadences de courses respectives dans l'eau. De plus en programmant des efforts de même durée avec une cadence imposée, les résultats peuvent être comparé donc signifier dans le temps des progrès ou régressions vis à vis de la moyenne de watt générés.
      • La programmation et l’enregistrement sur la logcard (carte à puce) de 5 entraînements possibles pour 5 athlètes, ces entraînements peuvent se concrétiser dans une distance à atteindre ou dans des temps d'efforts continus ou fractionnés, les résultats sont facilement récupérables sur un fichier excel ou numbers pour analyse et archivage.
      • Concrètement, j'ai établi 5 séquences visant à caractériser:
        • la force max sur 10 coups de bras avec une cadence très basse
        • L'endurance de force par un effort intermittent  avec une cadence basse
        • L'endurance de vitesse par un effort intermittent  avec recherche de la cadence la plus haute
        • Un effort de PMA
        • Un effort lactique avec une cadence égale à celle dans l'eau

      Aujourd'hui, je suis en charge de la préparation physique de nageurs dans 3 structures différentes  et j'ai à ma disposition un ski erg dans chaque site d'entraînement.
      Ma disponibilité fait que je ne suis pas toujours présent à tous les entraînements dans ces structures, cet handicap est réduit par le fait que je peux récupérer ultérieurement les résultats en les important sur mon ordinateur, certains athlètes me prennent même en photo la synthèse de l'effort sur l'écran pour me l'envoyer par texto.

      Je récupère tous les efforts que je fais faire à mes athlètes, cela me donne à l'instant T de la planification, un état de forme, un niveau de performance dans un exercice que je considère comme semi spécifique. Je me sers de ces données pour définir avec l'entraîneur le choix de la qualité dominante à travailler lors du cycles suivants.

        La fréquence des entraînements au ski erg est variable et dépend:
      • de mon estimation des leviers de progression, si je considère que le travail sur ski erg apporte une plus-value à l'athlète et ne soit pas au détriment de temps passé à réduire certains points faibles diagnostiqués.
      • Je m'appuie sur le filtre PROPASE  pour définir les différents axes et dominantes du travail en préparation physique pour chaque athlète. PROPASE est le nom de ma société et le nom de ma modélisation du travail en préparation physique, ce nom est l'association de premières lettres de 5 thèmes de travail.
        • PRO pour prophylactique, les contenus dans cette thématique ont pour objectifs de prévenir les risques de blessures.
        • P pour postural, les contenus dans cette thématique ont pour objectifs par leur sollicitation le renforcement de la ceinture abdos-lombaires et l’acquisition des postures adéquates nécessaires aux entraînements avec charges additionnelles.
        • AS pour agonistes de soutien, les contenus dans cette thématique ont (en natation) pour objectifs par leur sollicitation de cibler les muscles profonds, « charnières » de la ceinture scapulo-humérale donc soutenant l’efficacité des groupes musculaires de propulsion.
        • E pour efficacité, les contenus dans cette thématique ont pour objectifs le développement des qualités physiques des groupes musculaires dits « propulsifs » en natation.

      En fonction de l’évaluation de l’athlète dans ce filtre, je définis les axes de travail, les dominantes et par cascade, la fréquence et le type d’effort au ski erg.

      • De mon analyse sur la charge d'entraînement en spécificité et en globalité, c'est à dire une réflexion sur les niveaux d'intensité mobilisés au niveau énergétique et musculaire (dans l’agencement des entraînements de la semaine dans l’eau et à sec).
      • Des compétitions à venir, en effet en période de développement, je planifie une ou deux sessions au ski erg par quinzaine, sa fréquence augmente dans la phase de transition que je souhaite "de transfert", celle-ci précédent la phase d'affûtage où je  privilégie la thématique posturale.
      • De l'athlète lui-même dans sa singularité, c'est à dire de l'impact que génère le travail au ski erg sur l'organisme. Les séquences d’efforts que je programme au ski erg n'ont pas de réelles vocations à un développement énergétique (les entraînements dans l'eau suffisent souvent), mais ils ciblent plutôt le travail sur un aspect musculaire.
      • A début de la phase d'appui (en haut), là où la résistance est la plus dure car il faut la créer, la production de force est très dépendante des muscles profonds des épaules, ces muscles agonistes soutiennent (thématique AS dans le concept PROPASE) l'efficacité des groupes musculaires qui vont intervenir 10 cm plus loin dans le tirage. Si l'athlète est fragile   ou faible sur la coiffe des rotateurs, des fixateurs scapulaires ou des rotateurs externes, il sera en difficulté très rapidement sur des efforts en cadence très basse.
      • Benjamin Stasiulis en ait l'exemple, il est venu au pôle France d'Amiens pour effectuer sa préparation terminale avec Michel CHRETIEN pour les championnats du monde de Shangai (juillet 2011), il s'est retrouvé en difficulté dès la seconde séquence de 30'' d'effort avec 15'' de récupération (8 étaient au programme, cadence 30). Une douleur aux épaules s'était manifestée, une faiblesse des muscles profonds de la ceinture scapulo-humérale en était la cause. Au 1er juillet 2011, sur un effort d' 1'30, Benjamin Stasiulis scorait 204 watt de moyenne (1'58''19 en 1/2 finale des Championnats du monde fin juillet). Après avoir rejoint le pôle d’Amiens en septembre en ayant pour objectif personnel de se qualifier pour les JO en mars 2012, il perfait à 257 watt soit 25 % de progression (le 23/03/2012, record de France du 200m dos en 1'56''39).

      Mais qu’en pensent les athlètes ?
      Pour Jérémy STRAVIUS (Champion d'Europe 2012 au titre du relais 4x100nl, Champion du monde du 100 dos en 2011, qualifié au Jeux olympiques au titre du relais 4x200 NL ), « Le ski erg reproduit les mouvements de nage dans l'eau et me permet de gagner de la puissance sur tout le mouvement. Très précis sur les données, il indique les valeurs sur chaque coup de bras, cela est motivant car on sait à chaque fois quel est l’objectif à battre, en observant la courbe de force, je vois les temps forts et les temps faibles de ma traction».

      Mélanie HENIQUE ( 3ème aux championnats du monde du 50m papillon en 2011, détentrice du record de France) estime que « c'est un appareil très complet qui combine à la fois travail musculaire et posture du corps, dans l'eau le manque de gainage limite la puissance développée, et bien j’ai la sensation qu’au ski erg c’est la même chose, si je ne fixe pas mon bassin en contractant mes abdos quant je tracte, le nombre de watt baisse !!! »
      Dans la préparation terminale des championnats du monde Shangaï en août 2011, je mettais en situation Mélanie sur un travail intermittent (4x20’’, r10’’) où le nombre d’inspiration était limité par séquence et décroissant chaque semaine. Elle estime que « ce travail en apnée l’a beaucoup servi, je me retrouve dans les même conditions qu'à la fin d'un 50 ou au sprint d'un 100 mètres, les bras sont lourds et l’oxygène manque, dans l’eau je dois chercher constamment à prendre de l’eau, à rechercher un appui dur, au ski erg, tracter fort pour générer des watt ».

      Au jour d'aujourd'hui, j'ai établi à travers l'éventail de mes athlètes, un tableau comparatif et croisé de leurs performances athlétiques, au ski erg et dans leurs nages de spécialité afin de définir le niveau de corrélation des différentes formes de travail et leurs incidences. Je m'en sers surtout pour mettre en exergue les points forts et points faibles de mes athlètes.

      Généralement, j'insère le ski erg dans un circuit de renforcement musculaire ce qui me donne un atelier " de défi" avec un rapport force-vitesse en phase avec ce que je recherche.
      Ponctuellement, je fais des tests avec un seul bras pour prévenir d'éventuels déséquilibres de force, je place l'athlète sur des plateaux instables pour travailler la proprioception et la fixation du bassin.

      Actuellement, j'expérimente par le biais de poulies placées sur les bras de la plateforme, l'association du ski erg au U-moov de la société Opte (http://www.opte.fr/U-Moov.html).

      L’intérêt est de mettre l’athlète en situation de double contrainte, musculaire et proprioceptive, la position ventrale ou dorsale et non plus podale modifie considérablement la nature de l’exercice, elle l’enrichie car l’athlète doit chercher à générer le maximum de force à chaque tirage dans la contrainte que celle-ci exerce sur son maintien postural.

      Ce couplage du ski erg avec le U-moov devrait recruter considérablement les fibres profondes des ceintures abdominales et lombaires, fibres essentielles dans la qualité du tonus postural.

      Un point faible du ski erg aux yeux du nageur est que le tirage s’effectue simultanément des 2 bras, il n’y a pas de mouvements alternatifs possibles, les mouvements de tirages sont donc symétriques et parallèles au plan médian du corps.
      Toutefois, Je place également les athlètes dos à la machine afin de proposer des trajets moteurs différents, néanmoins, la variété et la qualité des tirages sont limités par le positionnement des roulettes.
      Une des perspectives serait d’enrichir le nombre de mouvements possibles grâce à des relais bien placés, ils permettraient d’offrir aux athlètes et aux préparateurs physiques une plus grande variété de mouvements que ceux initialement prévus tout en gardant les atouts initiaux du ski erg.
      Un chemin que j’ai déjà abordé…

      Bref, je pense que le ski erg est un bon partenaire d'entraînement pour les nageurs et même pour tous les athlètes désireux de varier les entraînements et de se fixer des challenges.

      Sportivement

      David SEBILLAUD
      www.propase.fr

Benjamin Stasiulis
Jérémy Stravius